À MA PLACE

Création jeune public à partir de 10 ans

Théâtre Documentaire

Julien Avril

Conception, écriture et mise en scène
Julien Avril
Avec – Marion Amiaud, Mathieu Ricard et Hélène Sir Senior

Conception sonore et musicale – Martin Antiphon
Conception scénographique et costumes – Lola Sergent
Conception scénographique et vidéo – Élie Barthès
Conception lumières – Victor Inisan
Régie générale – Théo Brignon

Création novembre 2024
le 4 novembre à 14h30 et le 5 novembre à 10h et 19h30
à Théâtre en Dracénie – Scène conventionnée de Draguignan

Réservations

Résidence à la Scène de Recherche de l'ENS Paris-Saclay


-La Pièce-

Jusque-là tout allait plutôt bien et soudain le collège est arrivé. A présent la moindre incartade, erreur d'attitude, approximation vestimentaire ou extravagance dans les goûts musicaux, se paye très très cher. Comment s'y retrouver dans ce nouveau plateau de jeu si personne ne vous explique les règles ? Les autres ont pourtant l'air de les connaître. Ou bien font-ils semblant ? Même les adules semblent avoir de nouvelles attentes sans vraiment les formuler. De scènes en scènes, trois adolescents baptisés X, Y et Z cherchent leur place dans l'équation : à la maison, en classe, sur les réseaux ou dans ces mondes qu'on s'invente lorsqu'on cherche un peu de quiétude et de liberté ; chacun agence les pièces du Tangram pour résoudre le casse-tête : se sentir bien avec son entourage, à la fois autonome et en harmonie.

-Projet d'écriture-

Ce qui m'intéresse le plus dans l'art théâtral, c'est qu'il permet d'interroger la notion de représentation. Au théâtre, ce terme renvoie tout d'abord au moment où le geste s'accomplit, le temps de la représentation suspend notre temps actuel, tout est alors permis puisque tout rentrera dans l'ordre au son des applaudissements. Mais il désigne aussi le mandat qu'a l'acteur de jouer à notre place les mille et une vie que chacun de nous voudrait pouvoir vivre, nous qui voulons toujours sortir de notre condition humaine pour atteindre la grâce. Enfin, il désigne aussi la part sensible que nous engageons dans l'appréhension d'une chose, d'une histoire, d'un fait, d'un concept, d'un enjeu de société ou d'une problématique. C'est le supplément d'âme qui accompagne la connaissance. C'est une chose de savoir qu'il y a 8 milliards d'êtres humains sur Terre depuis le 15 novembre 2022, c'en est une autre d'être capable de dire ce que ça « représente », pour soi, pour l'autre, aux yeux du monde... Cette représentation-là nécessite une inscription du savoir dans un contexte, une narration, une image, bref qu'on lui donne une place. Et c'est donc une des missions du théâtre, et particulièrement du théâtre documentaire de « faire une place », donner un cadre de représentation à ce que l'on perçoit du monde, avec les moyens de la scène et de la poésie. En cela il est profondément un acte de création car il fabrique de la réalité, au sens où l'entend le sociologue Luc Boltanski, le réel comme outil pour donner du sens au monde qui par définition nous dépasse. C'est cette notion de place en relation avec la représentation que je souhaite creuser à travers cette nouvelle pièce, une pièce à destination des jeunes à partir de 10 ans, c'est à dire ceux qui sont aux portes du collège, jusqu'à ceux qui quittent le lycée pour entamer leur vie d'adulte. Notre place évolue à mesure que nous grandissons, elle se situe d'abord essentiellement au sein de notre famille, puis peu à peu en collectivité, à l'école, dans nos loisirs ou les différents cercles d'amis. Nous y forgeons à tâtons notre personnalité, nos goûts et nos aspirations sans que la question de la place ne soit véritablement un enjeu pour nous-mêmes. Cependant il est une bascule particulière qui s'opère à l'entrée au collège. Nous gagnons alors en autonomie mais il semble que soudainement, la place qu'on occupe devienne une préoccupation centrale dans notre vie et celle de notre entourage. Il s'agit de la définir, cette place, d'en délimiter le périmètre et de la positionner par rapport à celle des autres, par soucis de ne pas empiéter ou de s'harmoniser correctement. Et si nous ne sommes pas encore en mesure de l'affirmer, par manque de confiance ou de connaissance sur nous-mêmes, on peut compter sur le groupe pour 2 la choisir. A notre place, donc. Camarades de classes, profs, parents, tout le monde a une idée sur la question et connaît mieux que nous-mêmes ce qui est bon, juste, légitime, valide, acceptable pour nous. Mode de vie, orientation professionnelle, popularité au sein du groupe... Ces assignations sont rarement consenties, souvent pesantes ou source de souffrance et de conflit. La réaffirmation de soi, la quête de sa propre place revêt alors les atours de l'épopée, menant à des péripéties. Nous nous inventons des espaces de respiration, de créativité, nous faisons appel à l'imaginaire, nous créons nos propres avatars, pensant pouvoir découvrir dans le reflet de ces copies augmentées de nous-mêmes quelque chose de notre essence. Des jeux vidéos aux réseaux sociaux en passant par le cosplay ou encore le reality shifting, les moyens ne manquent pas aujourd'hui pour dépasser son enveloppe. Cela peut aller parfois jusqu'à des expériences extrêmes. Nous prenons des risques, nous repoussons les limites de notre corps et de notre âme pour en explorer les confins, et ce chemin peut durer une vie. Le projet À ma place s'attache à mettre en lumière ces différentes problématiques, en faisant se percuter ces notions d'assignation et d'échappée, de déterminisme et de libre-arbitre, d'assistance et d'autonomie. Il s'agit de les représenter à travers des parcours croisés de personnages, des situations, des récits ou des prises de paroles chorales. Il s'agit aussi de faire en sorte que le discours de la pièce trouve sa source d'inspiration auprès des premiers concernés, à savoir les élèves de l'enseignement secondaire. C'est avec eux que je souhaite explorer ce champ. C'est à travers leur perception que la représentation trouve sa pertinence et sa juste résonance avec le reste du corps social. Quels sont les rôles que l'on prend ou qu'on nous assigne, qui décide ou fait « à ma place », à quel jeu doit-on prendre part pour parvenir à vivre ensemble ?

-Processus d'écriture – Ateliers de recherche-création-

Nous avons souhaité donc, pour ce nouveau projet, inviter les élèves à participer directement à la fabrique de l’oeuvre. Il s'agissait d'expérimenter le travail d'écriture d'une pièce de théâtre documentaire à partir d'un thème défini, celui de la quête de soi et du regard des autres. Nous avons suivi une démarche de recherche-création, à savoir une approche inspirée de la méthode scientifique pour dessiner ensemble les contours de cette pièce. Ce dispositif a été mis en place auprès les élèves du territoire de la Dracénie dans le Var, Théâtres en Dracénie étant le premier partenaire du projet.

Théâtre Documentaire

Le terme « documentaire » utilisé ici renvoie à la place centrale du document comme source et finalité de l’oeuvre, en opposition à une oeuvre purement fictionnelle qui ne relève que de l'imagination de son auteur, même si celui-ci a procédé à un travail d'information préalable. Ici, c'est à partir de données collectées dans des documents que l'écriture se met en place. Celles-ci sont soumises à un « traitement poétique », le fait d'être transformée en texte capable d'être dit par des acteurs : récits, dialogues, poèmes, descriptions, énumérations, chronologies, chants... Si la fiction peut s'inviter dans ce traitement, c'est toujours pour donner du sens à l'information source, comme on raffine une matière pour la rendre utilisable. Cette intégrité vis à vis de la source permet de remplir la deuxième fonction documentaire de l’oeuvre, à savoir devenir elle-même un document capable de transmettre des informations sur le sujet.

Parcours d'écriture en recherche-création

Au cours d’ateliers, les élèves ont été amenés tour à tour à délimiter les contours du champ de recherche, à se documenter sur le thème, à dégager les paradoxes et les enjeux qui en découlent, à construire une dialectique pour la transformer en différentes séquences et l'organiser dans une dramaturgie, bref à écrire leur propre petite pièce de théâtre documentaire, collectivement à l'échelle du groupe classe. La dernière séance fut consacrée à la préparation d'une lecture, mise en voix de l’oeuvre élaborée pendant la série d'ateliers. Je souhaitais pour conclure que les différentes classes impliquées dans le projet puissent se rencontrer au cours d'un événement festif de clôture où chaque classe pouvait présenter sa pièce aux autres participants.

De l'action culturelle à la création

Les ateliers de recherche-création que j'ai mené n'avaient pas pour objectif de remplacer ou soulager mon travail d'auteur. Il s'agissait au contraire de confronter ce travail avec les réflexions, les sensibilités, les imaginaires des personnes mêmes qui sont pour ainsi dire les « sujets d'étude » du projet. J'aurais pu me contenter d'un simple protocole d'interview ou de collectes de témoignages pour dégager suffisamment d'inspiration nécessaire à une fiction. Mais c'était me positionner en orbite, proposer une vue satellitaire des enjeux. Or j'avais envie d'explorer une dramaturgie à hauteur d'enfant. J'envisage la place de l'écrivain de théâtre comme avoisinant celle de l'écrivain public, qui se met à la place de celui pour qui il prend la plume. Il ne s'agit pas de donner mon avis ou de faire passer mes idées sur le sujet, mais de mettre mes compétences et ma sensibilité artistique au service d'un processus de représentation. La seule conviction que je porte est celle que cette représentation participe au réenchantement du monde.

Extrait 1

Je ne pouvais pas écrire À ma place à la place de ces jeunes de dix à dix-huit ans qui cheminent vers l'âge adulte dans un environnement complexe dont leur propre personnalité devient une variable. Mais je peux créer un spectacle en leur nom. Et j'ai souhaité leur proposer une aventure d'écriture pour assurer la pertinence et la légitimité de ce mandat. Une expérience de représentation.

-Dispositif Scénique – Un jeu de Tangram-

Pour penser la mise en scène d'A ma place avant même son écriture, j'avais besoin de rêver à un « terrain de jeu » préalable. Et pour élaborer ce terrain, j'ai souhaité m'appuyer sur la structure du Tangram. Un dispositif mobile fait de praticables reprenant les formes du célèbre jeu chinois, pouvant être manipulés, agencés, empilés par les interprètes de façon à fabriquer en direct le « décors » de telle ou telle séquence. J'ai imaginé pouvoir créer des formes géométriques colorées au sol et reprendre ce jeux de formes et de couleurs dans tout l'espace grâce à des projections de lumières et de vidéo sur une boîte à images constituée de trois cycloramas au lointain et sur les côté. Au sol, un tracé blanc reprend la spirale d'or de Fibonacci pour assumer pleinement l'analogie entre la narration de la pièce et le processus de démonstration en mathématiques, géométrie et algèbre. Un espace ludique et transformable, évoquant la plasticité de notre personnalité, les formes que nous prenons ou que l'on nous assigne pour nous fondre dans le décors ou au contraire pour nous singulariser de notre environnement. Chercher la bonne place, tâtonner, que l'on doive trouver la solution d'une équation ou qu'on veuille laisser libre court à sa créativité, je souhaite que cet espace Tangram puisse raconter en formes la même quête de soi que les mots inspirés par les jeunes lors du travail en ateliers.

Extrait 2

-Éducation Artistique et Culturelle-

En partant du principe que chaque citoyen concerné par une thématique peut lui-même chercher et se documenter pour mieux l’appréhender et la comprendre, la Compagnie Enascor interroge, à travers le théâtre documentaire, la façon dont on peut partager le fruit de cette recherche dans un processus de représentation. Dans la confrontation de deux réalités : celle du théâtre, avec la dimension poétique qu'elle implique, et celle de l'actualité, quel que soit le sujet abordé, le document change de nature et les frontières entre savoir et sensible se brouillent. Il n'est plus question d'un rapport de sachant à apprenant, la représentation dépassant le cadre du simple exposé, mais de la transmission d'une relation au monde. L'objectif de cette expérience commune est de créer un lien à la fois esthétique, émotionnel et intellectuel entre les êtres autour de grandes problématiques : rendre curieux et actif.

Ateliers proposés autour des représentations d'À ma place

Initiation au Théâtre documentaire (1 à 2 séances d'une durée de 2 à 4h)

Pour cette initiation un sujet peut être décidé à l'avance. L'objectif de l'atelier sera de parvenir à en représenter les problématiques avec les moyens du théâtre. Pour cela les participants doivent apporter des éléments documentaires (livres, publications, images, vidéo, bandes sonores etc...) autour de la thématique pour la constitution d'un matériau commun. Si aucun thème n'a été prédéfini, c'est le groupe de participants lui-même que l'on travaillera à documenter et représenter. Au commencement de la séance, on prend d'abord le temps de partager les documents rapportés. Puis individuellement ou à plusieurs, les participants en sélectionnent certains pour les assembler, les transformer en récit ou en scène ou tout simplement écrire un texte personnel à partir de leur propre réception du document. Puis sous la direction de l'intervenant, les participants organisent la dramaturgie et réalisent la mise en espace d'une petite performance élaborée avec leurs travaux d'écriture ou de montage en cherchant le meilleur moyen de représenter les problématiques soulevées. Il n'est pas nécessaire de disposer de qualités particulières de jeu ou d'écriture pour participer, mais simplement d'une envie de partager un moment convivial d'exploration d'un thème à travers le théâtre.

Théâtre documentaire et création (3 ou 4 séances de 2h)

Il s'agit d'une version approfondie de l'atelier d'initiation. L'objectif est de fabriquer un micro spectacle de théâtre documentaire sur les mêmes thèmes abordés par la pièce ou sur un autre sujet décidé à l'avance. Découpées en 3 ou 4 séances, les étapes de la création sont développées et enrichies par des apports théoriques.
- 1ère séance : On pose d'abord la question du théâtre. Quels sont les codes et les conventions mis en commun pour que la représentation ait lieu ? Puis les documents apportés sont présentés et triés en ensembles thématiques. Répartis en groupe autour de ces ensembles de documents, les participants en dégagent un maximum d'informations.
- 2ème séance : On pose d'abord la question du traitement poétique pour élaborer une scène à partir des informations récoltées. Quel format est mieux à même de représenter les enjeux induits par ces informations : drame, récit, chanson, description, geste... ? Puis les groupes se retrouvent et écrivent ensemble une scène à partir de leur recherche documentaire en choisissant un traitement poétique. Les textes produits sont lus en fin de séance.
- 3ème séance : On pose d'abord la question de la dramaturgie en interrogeant le schéma actanciel. Comment est-ce qu'on bâtit une narration en mosaïque et un discours commun à partir de scènes hétérogènes qui ne sont reliées que par un thème global ? Quel ordre choisir et quels éléments mobiliser ? Puis l'ensemble du groupe travaille à mettre en scène les différentes séquences, chacun jouant les textes dont il a participé à la rédaction et se mettant au service des autres pour le reste des scènes, dans le but d'aboutir à un micro-spectacle qui représente le sujet choisi.
- 4ème séance : Cette séance n'est pas obligatoire, elle permet d'approfondir le travail de mise en scène et de pouvoir le présenter à un public (camarades, participants d'une autres classe, parents ou amis...) si les participants le souhaitent.

Cette série d'ateliers fait la part belle au travail collaboratif, à la fois en petit groupe et en classe entière.

Parcours d'écriture en recherche-création (4 séances de 2h)

Un parcours d'atelier déjà évoqué dans le chapitre sur le processus d'écriture de la pièce. La méthode est similaire aux autres ateliers de théâtre documentaire mais l'objectif est différent. Il s'agira de s'attarder sur le domaine de l'écriture. Les trois premières séances s'articuleront entre phases de documentation, discussion et écriture individuelle ou collective. La dernière séance sera consacrée à un travail dramaturgique d'organisation des textes produits puis d'interprétation en lecture dans le but d'aboutir à la mise en voix d'une petite pièce de théâtre documentaire sur les thématiques abordées par la pièce à savoir le regard des autres et la quête de soi.

Ressources pédagogiques

Pour aborder ces thématiques, je propose au cours du parcours de recherche-création certaines entrées : des tendances, des usages, des pratiques que les élèves pourront identifier concrètement dans leur vie de tous les jours et qui renvoient aux notions d'image de soi, de mode, de librearbitre ou encore d'effets de groupe. Ces entrées peuvent être reprises par les équipes pédagogiques lorsqu'il s'agit de préparer un public scolaire à la réception du spectacle. Une façon d'inviter le jeune spectateur à porter plus loin son regard sur ce qui l'interpelle dans son quotidien, à partir d'un processus de représentation.

Exemples d'entrées proposées pour aborder la pièce

- les phénomènes de mode (jeux vidéos très attendus ou les mangas, un des biens culturels le plus acquis grâce au pass-culture)
- Les avatars des jeux vidéos ou les profils des réseaux, des espaces pour façonner son image
- L'anxiété générée par les questions d'orientation, point de confrontation entre les résultats scolaires, les aspirations des parents et ses propres inclinations
- Les défis lancés sur les réseaux qui invitent aux prises de risque ou au déchaînement d'agressivité contre les autres
- L'engagement total dans une activité ou attitude de fan (sports, groupes de musique, « influenceurs » d'internet, univers littéraires ou cinématographiques, grandes causes...)

Extrait 3

EFFONDRÉ·E·S

Théâtre Documentaire

Julien Avril

Conception, écriture et mise en scène
Julien Avril
Conception sonore et musicale – Martin Antiphon et Olivier Pasquet
Conception scénographique, vidéo et objets – Lola Sergent et Élie Barhès
Conception lumières – Victor Inisan
Régie générale – Foulques Gardin
Avec – Marion Amiaud, Lucas Bedecarrax, Mathieu Ricard, Hélène Sir Senior

Dans une bulle temporelle, trois acteurs explorateurs mettent en lumière le paradoxes qui conduisent le système Terre vers son effondrement. Prenant part à leurs expérience, un musicien transcrit tout ce que racontent plantes, bêtes et pierres. Un personnage de synthèse parlera au nom de tous les objets fabriqués par l'homme. Démultipliant les points de vue, ce spectacle croise science-fiction et documentaire pour mettre en mouvement nos imaginaires.
Coproduction – Compagnie Enascor, Scène de Recherche - ENS Paris-Saclay, Théâtres en Dracénie scène conventionnée d’intérêt national mention Art et Création-danse. Avec le soutien de la CASDEN.

Du 13 au 23 octobre 2022
à la Reine Banche - Scène des Arts et des Sciences
en semaine à 21h, le samedi à 20h, le dimanche à 18h

2 bis passage Ruelle 75018 Paris
reservation@scenesblanches.com
https://www.reineblanche.com/calendrier/theatre/effondre-e-s


-La Pièce-

Dans un espace figé dans le temps, des machines continuent de diffuser des fragments d'informations, échos de la société thermo-industrielle du début du 21ème siècle : documents sonores, images, papiers... comme le bruit de fond d'une civilisation évanouie. Trois acteurs y pénètrent et tentent d'en rassembler les morceaux, d'en reconstituer les pans pour mieux les faire s'écrouler à nouveau et contempler, comprendre, ressentir cette chute. Dans leur quête, ils sont accompagnés par un musicien, capable de donner la parole à ce qui sort du champs de la pensée humaine : ce que racontent les plantes, ce que rêvent les bêtes, ce qui console les pierres. Ensemble ils représentent les problématiques environnementales, sociales, économiques, politiques qui caractérisent notre temps géologique, qualifié d'Anthropocène. Alternant entre le récit, le drame, la chronologie ou encore la cantate, ils mettent en lumière les paradoxes qui ont conduit le système Terre tel que nous le connaissons vers son effondrement. Sautant parfois du réel à la fiction, ils laissent aussi s'entrevoir les liens invisibles (ou « invisibilisés ») qui relient toute la matière entre elle et qui tracent les contours du « monde d'après ». Mais sont-ils les prisonniers d'une boucle infernale, condamnés à rejouer éternellement le même rituel qui a conduit leur univers à sa perte ? Ou bien sont-ils des messagers du futur qui viennent nous raconter leur atterrissage sur la providentielle Planète B.

-Note d'intention-

L'effondrement est là. Ce concept est déjà presque usé, galvaudé tant il est repris par tous au nom de tout. Ses contours sont pourtant encore incertains. Et cependant il s'est invité plus vite que prévu dans nos vies, lors de cette crise sanitaire. Quel rôle le théâtre peut-il jouer dans l'appréhension d'un tel phénomène ? Nous n'avons pas besoin de leçons d'harmonie avec la nature, nous n'avons pas besoin de sermons écologistes. Nous avons besoin d'agir. Nous avons besoin d'action. Et le théâtre est l'art de l'action. Il nous donne les outils de représentation pour faire l'expérience d'un monde différent du nôtre. La science nous donne des clés pour comprendre, mais nos consciences ont des verrous sensibles que seule la poésie parvient à crocheter. Nous tenterons de créer les conditions d'un choc esthétique, émotionnel, intellectuel qui mette la petite communauté qui se constitue dans la boîte noire d'une salle de théâtre en action.

Il nous faudra partir d'un état du monde qui se désagrège. Un espace qui tombe en lambeaux. Nous éplucherons les unes après les autres les différentes couches qui le compose (climatique, biologique, politique, sociétale etc...) Nous nous servirons pour chacune d'elles des outils du théâtre qui permettent de les représenter au mieux, convoquant les codes de jeu et les formats d'écriture nécessaires : le drame évidemment, mais aussi le récit, l'épopée, le journal, la chronologie, la chanson... Nous mettrons en lumière les paradoxes, les liens de cause à effet, les solutions négligées, les catastrophes présentes et annoncées. Nous nous ferons apocalypticiens prophylactiques, pour mieux enrayer la machine. Nous serons des prophètes qui ne demandent qu'à être mis en défaut. Et à mesure que nous ferons se dérober le sol sous nos pieds, nous tenterons de donner à voir ce qui nous relie malgré tout à notre environnement, ce qui nous tient encore en suspend, les ébauches du monde d'après qui s'invente dans les ruines, la forêt en puissance que cache l'arbre en « plastoque » à abattre. De quel engrais pourront nous servir les résidus de la société thermo-industrielle ? Qu'est-ce qui pousse déjà, en silence, dans nos campagnes ou dans nos têtes ? Effondré.e.s, en inclusive, à l'égard de tout le monde, humains et autres qu'humains, comme un jeu d'équilibre précaire entre information et fiction, données et imaginaires, chute et germination.

-Dispositif scénique-

Pour l'élaboration du dispositif scénique d'Effondré.e.s, les artistes de la Compagnie Enascor vont s'associer aux élèves de l'ENS Paris-Saclay à travers un « Programme Interdisciplinaire Collectif ». Ensemble, au cours de résidences de recherche création à la Scène de Recherche, nous réaliserons la première image du spectacle. Celle-ci « s'effondrera » peu à peu en devenant le terrain de jeu des acteurs au fil du drame. Il s'agira de plonger le spectateur dans un espace peuplé de machines animées (robots articulés, écrans, lampes, imprimantes, hauts-parleurs...) Celles-ci continuent de diffuser, en mode aléatoire, des documents, des informations, mais aussi des extraits d’œuvres de fictions populaires, des écrits, des images, des fragments d'enregistrements sonores ou vidéo : les résidus de notre société addict aux données et aux contenus, comme un bruit de fond de l'Anthropocène qui se serait figé après la disparition de notre civilisation.

Lecture d'extraits de la pièce dans le Grand Amphithéâtre de l'ENS Paris-Saclay à l'occasion du live du Développement Soutenable

-Résidence à l'ENS Paris-Saclay-

La Compagnie Enascor est accueillie depuis mai 2018 sur le campus de l’École Normale Supérieure Paris-Saclay. Cette résidence s'est d'abord déroulée sous la forme d'immersion dans le quotidien de l'école : assister à des séminaires, des cours, des travaux-pratiques, visiter des laboratoires ou encore participer à des colloques, tout en proposant des activités artistiques adaptées aux besoins et aux rythmes de ses habitants pour enfin envisager une œuvre de restitution baptisée Persistance : une déambulation à travers différents laboratoires avec des performances jouées par les enseignants-chercheurs, en partant de la configuration des lieux et en proposant une dramaturgie entre manipulations d'expériences et prises de parole autour la thématique de la transition.

Au cours de cette première saison, la Compagnie Enascor est également devenue structure ressource pour apporter savoir-faire et compétences sur différents projets de l'ENS Paris-Saclay qui nécessitaient une approche artistique : l'accompagnement des associations scéniques de l'école ; la production de formats ou de contenus (textes, enregistrements, performances...) pour des événements particuliers (expositions, workshops, débats scientifiques...) ; la participation à des groupes de recherche ou à des séminaires de formation sur des thématiques liées à la culture ; et bien entendu l'association au travail de préfiguration de la Scène de Recherche, le théâtre du nouveau bâtiment sur le plateau de Saclay, notamment dans la préparation de son ouverture, la journée Explore ! Pour l'occasion, a été présentée une seconde œuvre participative élaborée avec les normaliens intitulée Planète B, comme un terreau préparatoire au projet d'Effondré.e.s.

-L'ATOME-

Écriture et mise en scène - Julien Avril
Avec – Julien Large, Clémence Laboureau, Mathieu Ricard, Clémence Weill
Création musicale – Martin Antiphon et Olivier Pasquet
Scénographie, création lumière et vidéo – Élie Barthès

Production – Compagnie Enascor
Avec le soutien des Studios Virecourt, de Confluences – Lieu d'engagement artistique
du Théâtre de Verre Co-Arter, et de la Maison de Métallos

Texte lauréat de l'Aide à la Création pour les dramaturgies plurielles
d'ARTCENA

Création novembre 2017
Le Liberté - Scène Nationale de Toulon

-La Pièce-

Dans un espace entre bunker antiatomique, laboratoire de savant fou, garage squatté par des jeunes et salle d'étude de bibliothèque, quatre personnes, deux hommes et deux femmes, cherchent, lisent des livres, regardent des films, écoutent des bandes son, se documentent, s'interrogent, représentent, racontent et incarnent les liens entre l'humanité et la physique nucléaire. De la création de la matière lors du Big Bang, jusqu'à l'éternité de la durée de vie de certains déchets radioactifs de l'industrie nucléaire, ils dévoilent les problématiques historiques, politiques, scientifiques, sociales, ou encore environnementales ; ils mettent en lumière les paradoxes. La zone de Tchernobyl, la province de Fukushima, l'atelier de Pierre et Marie Curie, l'université de Copenhague, le canyon de Los Alamos au Nouveau-Mexique, le bombardier B-29 Enola Gay, le village de Plogoff en Bretagne, le parc nucléaire français sont tour à tour leur terrain de jeu et de questionnement. En partageant leurs recherches, en présentant des documents tels quels ou en les élaborant de manière poétique et théâtrale, ils invitent le public à être sensible, curieux, actif, autrement dit à entrer en réaction avec cette matière hautement instable, explosive et controversée.

-Julien Avril et la Compagnie Enascor-

Julien Avril est auteur, metteur en scène et dramaturge. Diplômé du Master Professionnel de mise en scène et dramaturgie de l’Université Paris Nanterre, il a fondé en 2005 la Cie Enascor avec laquelle il a d’abord créé trois pièces pour la jeunesse.

En 2017, il crée L'Atome au théâtre Liberté à Toulon, texte lauréat du Centre National du Théâtre et du prix Godot des lycéens. En 2018, il est artiste associé à la Scène de Recherche de l'ENS Paris- Saclay où il crée Effondré.e.s en 2022.

Pour la Compagnie Les Sens de Mots, il écrit en 2022 Ouvrir les limbes à partir de sa rencontre avec l'archéo-anthropologue du handicap Valérie Delattre. Comme dramaturge, il collabore avec Roland Auzet (Cie Act-Opus), Céline Schaeffer (Cie Le Mélodrome) ou encore Philippe Minyana.

Depuis 2021, il est artiste associé à Théâtres en Dracénie à Draguignan. Pour la Scène de Recherche, il adapte l'ouvrage de sociologie Les Héritiers de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron.

Il enseigne l'écriture dramatique à l'Université Paris Nanterre. Entre 2018 et 2021, la Compagnie Enascor a été accueillie en résidence à l'ENS Paris-Saclay pour travailler à la préfiguration de la Scène de Recherche, le théâtre du nouveau campus consacré à la rencontre des arts et des sciences. Le spectacle Effondré.e.s est le fruit de ces années de collaboration avec les enseignants chercheurs et élèves au sein de cette grande école scientifique.

Entre 2021 et 2022, la Compagnie Enascor a accompagné le groupe de recherche « Écologie et Philosophies Comptables » porté par AgroParisTech et le Collège des Bernardins, proposant aux chercheurs un cadre d'expérimentation pour permettre de penser les enjeux de représentation en dehors du sillon académique traditionnel. Un travail qui s'inscrit dans le chantier de création d'un nouveau spectacle intitulé Les Choses Environnantes : une pièce qui questionnera notre rapport à l'environnement d'un point de vue historique tout en présentant de nouvelles perspectives de relations, de nouvelles façon d'« être au monde ». Un projet accueilli en résidence à la Scène de Recherche en février 2024.

La Compagnie Enascor propose tout au long de ses créations, qu'elles soient destinées à la jeunesse ou à un public adulte, un questionnement sur notre rapport au monde, au temps et à l'autre. Même si elle aborde à travers ses spectacle des problématiques voisines (habiter le monde, être ensemble, être libre, s'engager, grandir...) elle interroge à chaque fois l'écriture du théâtre, littéraire ou scénique, ne précédant jamais la forme au sens, travaillant à partir de matériaux différents (documents, interviews, expériences partagées en ateliers, essais théoriques ou autres oeuvres...) repartant toujours du début et cherchant à développer une dramaturgie résolument plurielle. Enascor est un terme horticole latin qui signifie pour une plante naître, pousser, grandir.

-Contact-